Par Apassia
Homme de Vie s’était confortablement installé au pied d’un grand frêne. Il avait tourné deux, trois fois autour de l’arbre, avant d’y repérer au pied, un léger creux que son tronc modelait, et qui l’appelait. Il s’assit en collant son dos contre l’écorce généreuse.
Tout en faisant ces manœuvres, Homme de Vie remercia l’esprit de l’arbre pour son accueil et se mit ensuite en état de réceptivité. Au bout d’un long moment, il entendit :
« De mon passé bien lointain,
Réceptacle de l’origine de la vie, du savoir et du destin,
Je suis l’axe reliant tous les niveaux de l’univers entre eux.
Portant en moi tous les couples d’opposés
Et aussi, bien des énergies de fécondité,
Bien des pouvoirs m’ont été donnés,
Que certains savent encore utiliser.
Fût un jour nommé, Arbre du Monde… ».
Un froissement d’aile attira l’attention d’Homme de Vie vers sa droite, suivi d’un « croa- croa » lui laissant juste une parcelle de lucidité suffisante pour identifier la présence d’un corbeau. « Grand Corbeau » eut-il l’impression d’entendre.
Grand Corbeau emmena Homme de vie dans une sorte de vortex lumineux qui l’aspira littéralement. Il sentit ce voyage lent et rapide à la fois. A un moment, il eut la sensation que Grand Corbeau fixait son attention dans une direction précise. Ils arrivèrent ainsi dans un monde très différent de ce qu’il avait expérimenté jusqu’alors. Au début, Homme de vie eut du mal à utiliser ses perceptions pour comprendre ce qu’il voyait. Le paysage scintillant qui s’étalait devant lui était déconcertant car à chaque instant, il se transformait. Ses yeux se posèrent sur ce qui lui apparut être une fleur pas encore éclose. En quelques secondes elle s’épanouit avant de perdre ses pétales qui, au contact du sol, firent apparaître déjà de minuscules plantes.
Ce spectacle était troublant de beauté et il en émanait une certaine harmonie. Le sol, lui-même, avait l’air de vibrer de vie. Ce mouvement permanent s’appliquait à tous les êtres qui vivaient dans ces lieux. Il y en avait de toutes sortes et vouloir les décrire relève de l’impossible. Il crut apercevoir une forme humaine, mais dans l’instant, elle se métamorphosa en animal étrange. De ce bouillonnement de vie émanait une grande cohésion mis en mouvement par une intelligence collective. Grand Corbeau expliqua à Homme de vie que toutes les dimensions sont reliées entre elles, un peu comme un grand millefeuille sans fin autour d’un axe, et que chacune d’entre elles ont un lien et un rôle précis les unes par rapport aux autres.
C’est la même chose du point de vue individuel et l’homme doit apprendre à être de plus en plus conscient de ces liens subtils qu’il porte en lui et qui lui ouvriront les portes vers bien des possibles. La peur de l’inconnu, de ce qui est différent est un des principaux obstacles. La force d’imitation et d’identification est solidement enracinée dès la naissance, mais chaque homme peut, à son rythme, dénouer l’écheveau afin de contempler le grand Mystère qu’il est. Les explications durèrent ainsi un bon moment avant que Homme de Vie n’ait la sensation d’émerger littéralement en ressentant la caresse un peu vive de l’écorce du grand frêne. En ouvrant les yeux, il constata que la nuit arrivait doucement.
Un lointain croissement se fit entendre pendant que Homme de Vie, après avoir salué Esprit du Frêne, cheminait doucement sur la route.
A suivre
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