Des valeurs pour un monde plus humain …
De la lucidité au dépassement
Les différentes approches psychologiques actuelles ont perfectionné le regard sur le couple, affûté leurs observations, dénoncé les nœuds qui conduisent à l’impasse du conflit et de la séparation mais nous manquons d’une vision positive, de modèles enthousiasmants, de rêves à réaliser. Nous laissons à l’adolescence lunaire les exaltations de la rencontre et nous considérons comme mortifères les élans romantiques. Or la lucidité n’est qu’une étape de développement mental qui appelle un autre niveau de réalisation. Notre époque souffre d’une hypermentalisation et de l’accent mis sur la nécessité de la réussite d’une individuation. Mais le plaisir de vivre s’enracine dans toutes les formes de fusion. L’empreinte de la fusion maternelle reste à jamais indélébile et demande à être retrouvée, réinventée, réinterprétée sous une autre forme. Deux moi juxtaposés côte à côte ne forment pas un nous. Quelle part sommes nous disposés à déléguer, sacrifier, mettre en jeu dans une réalisation commune. La notion de dépassement prend tout son sens. Certes le nous ne doit pas enfermer le je dans une circonférence stérile mais le je ne se suffis pas à lui-même pour réussir l’aventure de la rencontre et de l’amour. Se dépasser c’est s’ouvrir aux besoins de l’autre, se mettre parfois au service de ces besoins et découvrir une autre forme de plaisir dans le don. Plus encore se dépasser c’est découvrir que ce que je croyais ne pas aimer se révèle une part reniée, une part d’ombre qui trouve l’occasion de se libérer et de me libérer. De l’un à l’autre c’est ainsi que nous nous enrichissons, que nous nous agrandissons qu’il s’agisse de goûts alimentaires, artistiques, d’activités physiques ou spirituelles, de sorties ou de soirées intimes. Le couple ne se constitue sur une trame solide que dans la mesure où chacun trouve le chemin pour aimer dans l’ouverture et le don plutôt que de se contenter d’être un prédateur inconscient.
Le couple égotique vit un échec programmé
L’état amoureux est tissé d’illusions et de déceptions. D’un éros extraverti nous passons plus ou moins rapidement à un éros introverti. L’illusion de retrouver un éden primitif fait place au ressentiment. Chacun regarde l’autre par la lorgnette d’un moi unifié pendant la période de grâce amoureuse jusqu’à ce qu’il soit rattrapé par un état fragmenté, un désir de se différencier. Chacun se vit provisoirement comme l’enfant chéri d’un regard idéal et se montre émotionnellement plus équilibré qu’il ne l’est. Lorsque l’illusion se dissipe, l’enfant blessé prend les commandes de la relation, la lutte de pouvoir s’installe. Chacun veut changer l’autre et le faire souffrir devient la tactique pour le changer. Le couple ne semble pas susceptible de réparer mais seulement de répéter les blessures d’enfance avec papa et maman. A ce stade beaucoup de personnes désespèrent du couple et le considèrent comme une structure périmée dans le monde actuel.
Chaque couple dispose d’un potentiel de guérison
Pourtant les possibilités de transformation existent. Un mariage extérieur porte en lui les promesses d’un mariage intérieur, d’une fluidification de chacun dans l’énergie de l’autre, par l’alliance de l’actif et du réceptif. Une union de deux personnes complémentaires porte en germe un programme d’échange. Nous avançons vers nous-mêmes en développant un meilleur équilibre entre le masculin et le féminin, en assumant mieux nos propres besoins, en s’ouvrant aussi à la considération et à l’empathie pour l’autre. Cette tolérance que nous développons nous libère des projections négatives et des jugements. Nous sommes alors capables de découvrir une autre clef. Chaque fois que nous envoyons de l’amour à l’autre nous nous guérissons aussi nous-mêmes de nos blessures affectives. L’inconscient interprète ce comportement affectueux comme dirigé vers lui-même.
Vivre un couple conscient
Il semble aujourd’hui que nous ne sommes capables d’aimer dans la durée que dans la mesure où nous faisons appel à une pratique de conscience. Nous ne sommes pas des anges et même si nous éprouvons des sentiments positifs pour quelqu’un, nous devons garder un œil vigilant sur le prédateur en nous qui n’est jamais rassasié de pouvoir et qui confond possession avec amour. Un code d’hygiène amoureuse peut être proposé en sept points.
– Chaque partenaire doit avoir pris conscience que sa plénitude personnelle ne dépend pas de l’extérieur, ni même d’une personne en particulier, mais de sa propre capacité à savourer l’existence avec étonnement, enthousiasme et gratitude. C’est ce qu’on appelle la pleine conscience et qui peut être pratiqué sans modération. Autrement dit je t’aime et tu m’aimes sont relayés par je m’aime et je suis amour. Quelques minutes de détente, de respiration, de contemplation, de joie, d’élévation nourrissent cette conscience.
– Le deuxième point concerne la capacité de s’enraciner dans son propre jugement et d’établir une distance, de ne pas s’identifier aux propos critiques ou négatifs qui peuvent être émis au cours d’une discussion ou d’une altercation. « Je ne suis pas ce que l’autre dit ou voit de moi ». Par contre j’accepte d’examiner cette ombre, je la prends en compte.
– Le troisième point consiste à écouter ses propres besoins et à les énoncer clairement, ce qui demande lucidité et honnêteté
– Le quatrième point engage à porter de l’attention aux besoins de l’autre et à tenter de répondre positivement à au moins l’un de ces besoins même si un certain dépassement de soi se révèle nécessaire.
– Le cinquième point consiste à accepter de prendre le temps d’éclaircir les dissensions, de ne pas laisser dans l’ombre les frustrations.
– Un échange d’au moins trente minutes, une fois par semaine permet de faire un bilan hebdomadaire des bonheurs et des blessures. L’intimité de la parole est souvent réclamée par la femme mais l’homme traditionnellement moins intéressé par la verbalisation peut prendre goût à cette sincérité, cette authenticité.
– Par contre une harmonisation sans paroles, un face à face de méditation, une danse, un massage apportent aussi une autre dimension. C’est le septième point qui peut ou non préparer une rencontre amoureuse et faire passer la relation du plan physique et psychologique au plan vibratoire et spirituel.
Il ne s’agit pas d’introduire dans la vie de couple des règles et des comportements rigides. Mais la démarche de connaissance de soi pour ne pas rester stérilement nombrilique demande de se traduire par une capacité constante d’alléger les lourdeurs de la victime et ses accusations et de se prolonger par une capacité à enchanter la vie. Chaque partenaire est non pas l’acteur passif d’une trame faite de l’intersection de deux manques mais le créateur du couple dans sa subtilité et son quotidien. Poudrière d’un rapport de force et d’une guerre des sexes le couple devient par l’intervention d’un nouveau paradigme le jeu supérieur d’une forme de paix et d’harmonie. Le miracle amoureux d’une construction l’un par l’autre peut ainsi trouver un rythme de croisière au long cours.
> Paule Salomon. Renseignements sur stages et formations 04 93 66 42 32 ou Secretariat@paulesalomon.org
Auteur de nombreux ouvrages chez Albin Michel dont La femme Solaire et la Sainte folie du couple qui existent en poche. Son dernier titre : Gourmande sérénité un livre de sagesse et de méditation.